Interview d’Hélène Dumont, conseillère conjugale et sexothérapeute.
Peux-tu te présenter rapidement ?
J’ai 42 ans. Je suis mariée avec Frédéric et nous avons 6 enfants de 3 à 19 ans. Nous habitons Pertuis, au sud du Vaucluse, avec la particularité de vivre dans le collège dont mon mari est principal. Je suis conseillère conjugale et sexothérapeute et je travaille beaucoup par Skype.
Dans quelles conditions vis-tu ce confinement ?
Nous avons de la chance : même si notre appartement est minuscule au regard de notre très grande famille, nous pouvons profiter de l’espace du collège. Cet environnement est précieux pour nous aérer, jouer au foot ou balader nos filles en brouettes !
Depuis le confinement, notre rythme a peu changé. Les activités scolaires ont canalisé les garçons de façon positive, mon mari a beaucoup travaillé. De mon côté, le cabinet ne s’est pas arrêté. Concernant les filles, qui ont tout juste 3 et 5 ans, nous nous sommes organisés en famille pour les garder à tour de rôle : tout le monde s’y est mis. Il y a eu quelques cafouillages, mais grosso modo, nous y sommes arrivés.
Depuis une semaine, mon mari et les enfants sont en vacances. Si je ne le suis pas, je me sens plus détendue à l’idée de travailler sans me soucier de l’organisation familiale au quotidien. Chacun est suffisamment disponible pour le prendre en charge, les horaires sont plus cools, et plus personne ne se bat pour savoir qui a besoin de l’ordinateur ou de la tablette pour les visio-conférences !
Peux-tu nous parler de tes ressource pour vivre ce confinement ?
Dans les situations difficiles ou chargées, je suis assez endurante et organisée, je fixe mon cap. Je crois que c’est l’une de mes premières ressources, cela fait vraiment partie de mon tempérament. Comme nous n’avons pas le choix, je suis résignée. J’avance au jour le jour.
Je me lève assez tôt pour lire, confier ma journée et travailler dans le silence. Pas de sollicitation avant le rush matinal. Juste une heure pour moi : un petit bonheur simple pour me recentrer et me ressourcer.
Mais ce qui me transmet le plus d’énergie, ce sont les perles improvisées : les jeux de mots des garçons, les problèmes existentiels des filles avec leurs poupées, les bras de mon mari pour nous balader autours du collège. Tout ces moments me nourrissent et m’apaisent. J’ai à cœur de les saisir, parce qu’ils sont fugaces.
Tes petits bonheurs en confinement ?
Les roses dans la serre du collège ! Je leur rends visite chaque jour. J’ai fait quelques bouquets pour apporter un peu de gaîté pour ne pas déprimer, de la couleur pour éviter de broyer du noir.
As-tu des moments de craquage dans la journée qui t’aident à te re-booster?
Non, pas forcément. En revanche, les enfants ont des pétages de plomb très drôles entre 19h et 21h. Leur joie de vivre, leur humour décalé, hilarant, ainsi que celui de mon mari me re-boostent de façon très efficace.
J’aime vraiment me frotter à eux dans ces moments là, je les observe et je me laisse porter par l’ambiance. Très clairement, nous n’en pouvons plus de vivre ensemble H24, cela provoque des tensions qui nous demandent des efforts permanents. Les filles peuvent devenir exaspérantes, les garçons se disputent à table pour des histoires de coudes pas rentrés, le bazar que chacun sème devient envahissant, non seulement spatialement mais aussi psychiquement. Alors, en fin de journée le craquage est inévitable, mais heureusement cela tourne à la dérision.
Ces moments apparaissent comme de véritables espaces de décompression. Avec le rire nous parvenons à nous dire beaucoup de chose, même nos inquiétudes. Il faut savoir les décoder, mais c’est notre langage familial à nous.
Une habitude de confinée que tu aimerais garder pour après ?
Ne plus faire les repas puisque mon mari les a pris en charge ! En plus, il se débrouille très bien. Les garçons aussi se mettent à la cuisine, c’est très agréable ! Mais là, je crois que je rêve …
La question que tu te poses en ce moment ?
La date de la prochaine fête à la maison !
Comment faire de cette période un temps de croissance conjugale ?
Cette question est vraiment difficile. Si le confinement peut devenir profitable pour de nombreuses personnes, c’est une catastrophe pour d’autres. Cela dépend d’un ensemble de facteurs, comme celui de l’environnement, de l’âge et du nombre d’enfants, du rythme de travail de chacun, des inquiétudes qui lui sont liées, de l’état de santé physique et psychologique des uns et des autres.
Les difficultés peuvent tout autant se superposer et étouffer le couple, comme le forcer à puiser au cœur de leur lien, assez d’amour et de volonté pour inventer et mettre en place d’autres modes relationnels. Cela dépend de ce que vivait le couple avant le confinement. Il faut donc avoir un double regard : l’un, global, sur l’histoire de chacun et l’histoire du couple ; l’autre, tourné vers la compréhension des processus qui pourront les amener à se déliter comme à se consolider. Le confinement agit comme un révélateur.
J’encourage les couples à être très clairs avec l’expression de leur besoins et de leurs attentes. Si chacun accepte de dire ce qu’il ressent, ce dont il a besoin, ce qu’il est prêt à faire pour que la communauté conjugale ou familiale tourne, alors c’est déjà pas mal et cela pourra désamorcer une multitude de petits conflits. Chacun est responsable de ce qu’il met en place au sein du foyer.
J’encourage également les couples à prendre un temps de « confidence » chaque jour, de façon homéopathique. Ce temps de confidence peut être accompagné d’un grignotage, d’un album photo pour apprécier les bons souvenirs, remettre en perspective ce qui a été construit. La confidence peut se faire autour d’une activité. Certains couples se retrouvent plus facilement quand leurs mains sont occupées ! Tout ces moments glanés sur les temps que l’on passait en dehors du foyer avant le confinement, dans les transports par exemple, peuvent être mis au service du couple. Sans oublier de cultiver des moments pour soi.
En ce temps de confinement, je travaille beaucoup. On distingue deux types de demandes. Les couples qui vont bien, mais qui veulent apaiser les petites tensions qu’ils traînent depuis longtemps, et les couples qui souffrent d’être ensemble. Le confinement facilite la prise de rendez-vous à deux, autant qu’il rend la demande urgente. Les entretiens apparaissent comme des espaces de régulation, de dialogue et de recherche d’outils pour progresser.
Ainsi, cette période ne peut devenir un temps de croissance conjugale qu’à partir du moment ou j’engage ma volonté à aimer, là où je me suis senti(e) un jour appelé(e) à le faire. Il faut prendre du temps, rafistoler, faire bouger les lignes avec humilité. Et cela passe par des instants de partage, parfois de crise ou de remise en question. J’aime beaucoup les mots de Christiane Singer : « Chaque matin, les hommes et les femmes qui prennent soin de la parcelle du réel qui leur est confiée sont en train de sauver le monde sans le savoir ». Le confinement force au réel. L’idée est de se mettre au travail pour appréhender la suite sans décompenser, et avec confiance.
Pour terminer, as-tu un petit conseil pour faciliter le confinement avec des ados ?
Je vais simplement reprendre ce que j’essaye de vivre avec les miens. J’ai lâché sur beaucoup de choses : je refuse d’être sur leur dos en permanence. Le temps « écran » a augmenté : je ne suis pas dupe. Mais les ados font ce qu’ils peuvent pour maintenir un lien rassurant et joyeux avec leurs amis. Ils participent à la vie de famille, se lèvent le matin (tard en ce moment, avec les vacances !) et vont se défouler dehors régulièrement, c’est déjà pas mal. Quand à leur chambre … j’évite d’y rentrer trop souvent pour mon équilibre mental ; je leur file l’aspirateur une fois par semaine, et on se contente de ça !
Merci beaucoup Hélène pour ton analyse de la situation et tes conseils!
Hélène Dumont continue à accompagner les couples en ce moment par Skype, et si c’était le bon moment pour vous? Pour prendre RDV c’est par ici.
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