Interview de Julie Davico-Pahin, co-fondatrice d’OMBREA, startup AgTech qui développe des outils de protection et gestion des cultures face aux aléas climatiques.
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je suis la co-fondatrice d’Ombrea : nous développons des outils de protection et gestion des cultures face aux aléas climatiques. Dans une autre vie, j’étais une journaliste épanouie dans une grande rédaction parisienne. Issue d’une famille d’agriculteurs, je connais parfaitement les difficultés qu’ils rencontrent, entre le travail physique, le stress, et les conséquences du changement climatique, j’ai voulu agir pour les aider à affronter ces nouveaux enjeux. Cette alarme a été le déclic qui m’a poussée à entreprendre.
En 3 an et demi, Ombrea a levé plus de 2,5 millions d’euros, avec des clients engagés à nos côtés pour construire une agriculture durable et performante. On emploie aujourd’hui 27 personnes, toutes portées par des convictions fortes et ultra motivées dans cette aventure collective. C’est une vraie fierté !
Nous raconter comment vous êtes impactée en tant que cheffe d’entreprise et comment vous faites tourner Ombrea dans ce contexte ?
Nous avons confiné nos collaborateurs quelques jours avant l’annonce officielle pour les protéger. Cette période a vraiment été un choc : il fallait à la fois gérer la crise tout en rassurant chacun alors que nous n’avions pas toutes les réponses… On a donc été transparents et expliqué qu’il allait falloir se serrer les coudes dans ce climat d’incertitude. Je suis du genre control freak donc cette phase a été un vrai défi : j’ai appris à lâcher prise, à accepter que cette situation et son évolution ne dépendaient pas de moi. Après près de deux mois de confinement, je suis hyper fière des équipes qui ont gardé le cap, dans un esprit positif, toutes soudées pour accompagner Ombrea.
Comment vous continuez à accompagner vos clients qui sont j’imagine pour partie des agriculteurs dépendant de la nature qui est loin d’être confinée ?
Nos clients ne connaissent pas le confinement 🙂. La grande majorité d’entre eux est sur le pont pour approvisionner nos marchés et magasins. Nous gardons le contact, avec des appels réguliers et échanges d’expérience. Ils sont partagés entre difficultés à produire avec un printemps particulièrement sec, des épisodes de gelées, et ont parfois du mal à recruter de la main d’œuvre en cette période de confinement. La clé, c’est l’accompagnement, le dialogue, pour construire l’après.
Dans quelles conditions vivez-vous ce confinement ?
J’ai beaucoup de chance, je vis à Aix-en-Provence, dans un appartement avec une grande terrasse ensoleillée, en plein centre-ville. Je suis confinée avec mon mari et nos chats, qui vivent actuellement leur plus belle vie !
J’ai l’habitude de télétravailler, avec une pièce bien aménagée et entièrement dédiée à Ombrea : cela permet de compartimenter. Je téléphone quasiment en continu donc il me fallait vraiment une pièce séparée pour ne pas déranger.
Les journées sont denses, j’alterne entre les échanges avec les actionnaires, l’organisation de l’équipe, les négociations avec les partenaires … Il y a largement de quoi s’occuper !
Pouvez-vous nous parler de vos ressources pour vivre ce confinement ?
Heureusement, je peux être sereine sur la situation parce qu’Ombrea se porte bien, nous continuons à travailler et l’équipe est forte.
Personnellement, j’ai vraiment dû faire un gros travail sur moi-même d’acceptation de cette situation. Je me concentre sur ce qui va, j’arrête de lire le décompte des malades, et je prépare la reprise. Donc je garde le moral !
Des petits bonheurs en confinement ?
Mon café du matin avec le journal : entre les transports et les rendez-vous, je n’ai habituellement pas le temps de me poser et les journées démarrent au quart de tour. En ce moment, je m’accorde du temps pour moi, je lis, je cuisine, je jardine et on passe du temps en famille. Cette période est difficile mais cela fait un bien fou de se recentrer sur l’essentiel.
Ce que vous trouvez difficile ?
Je suis du genre active et je souffre vraiment de ne pas aller au grand air, courir à la campagne, partir à la mer … J’ai aussi habituellement le cerveau toujours en marche et je suis forcée de devoir me contenir, mettre sur pause mes projets. C’est un vrai défi, je me sens un peu comme un lion en cage mais c’est un excellent apprentissage qui va beaucoup m’apporter pour l’après. Ca fait du bien aussi de se canaliser, il serait temps que je devienne un peu plus sage
Des moments de craquage/folie dans la journée qui aident à tenir /se re-booster?
Les meilleurs moments de ce confinement ! Chez nous, c’est musique à fond, parfois de mauvais goût, et mojitos.
Une habitude de confinée que vous aimeriez garder pour après ?
Ce n’est pas vraiment une habitude quotidienne à proprement dit, mais plutôt un état d’esprit : j’aimerais que ce confinement soit utile. Il l’a été pour nous protéger, mais à titre personnel, j’aurais beaucoup appris sur moi-même, notamment sur la nécessité de lâcher prise, de laisser le temps faire, et de se concentrer sur ce qui est essentiel. J’espère vraiment rester dans cet état d’esprit.
La question que vous vous posez en ce moment ?
On mange quoi ce soir ? Je suis plutôt du genre terre à terre 🙂